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Anime

Thomas Romain : Big in Japan

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Impossible de rater Thomas Romain à la station d’Asagaya où nous avons fixé notre rendez-vous. Dépassant le mètre quatre-ving-dix, le designer des vaisseaux de SPACE DANDY nous a fait entrer en douce chez Satelight pour nous présenter son bureau, et nous parler des joies et déboires des professionnels de l’animation.

Photo Laurent Koffel

COMMENT ES-TU ARRIVÉ AU JAPON ?

Je suis arrivé au Japon fin 2003 pour travailler sur OBAN STAR RACER. J’ai travaillé deux ans et demi sur cette coproduction franco-japonaise aux studios HAL Film Maker. Savin Yeatman-Eiffel s’occupait de toute l’écriture et coréalisait, en supervisant avec les collaborateurs japonais. Je coréalisais, je m’occupais des personnages et supervisais l’animation 3D en France, et Stan (Stanislas Brunet – ndr) s’occupait de tout le mecha-design et des décors. Nous faisions presque tout à trois, sauf le story-board : on le confiait uniquement aux Japonais.

En même temps, j’ai pris des cours de japonais, j’ai appris sur le tas. On avait un traducteur pour les réunions compliquées avec les Japonais, mais une fois la série finie, je voulais rester ici et je savais que je n’aurais pas toujours un interprète. Après, je me suis marié… J’aurais pu rentrer en France, ma femme n’avait rien contre l’idée, mais je sentais que j’avais des opportunités professionnelles ici. 

Au début c’est un peu dur. Enfin non, pour moi ce n’était pas dur, nous venions de finir une co-production ; mais pour les gens qui débarquent et qui veulent bosser tout de suite, c’est difficile. Mais une fois qu’ils ont quelques contacts et qu’on sait à peu près ce qu’ils peuvent faire, les commandes commencent à affluer. Et il y a tellement de productions, tellement de boulot… Ce n’est pas l’eldorado niveau financier, mais ça fournit du travail et ça allonge le CV.

A LA LOUCHE, ON EST PAYÉ COMBIEN ?

Ça varie, et ça peut partir de très bas. En France, on va apprendre l’animation jusqu’à 25 ans, et sorti de l’école, être prêt pour un rôle important dans la production. Ici tu peux commencer dès l’âge de 18 ans, sans aucune formation mais au début c’est dur. Pour les intervallistes, ça varie entre 35 000 et 50 000 yens par mois (entre 240 et 350 euros). Tu es jeune, tu vis en coloc ou encore chez tes parents, c’est comme un stage rémunéré, car tu apprends à devenir compétent.

Mais ça n’avance pas bien vite : par exemple, animer un plan, c’est 4 000 yens (30 euros). Tu peux en faire 30 à 50 par mois, si tu es vraiment motivé. Cela rapporte entre 120 000 (840 €) et 200 000 yens (1 400 €) par mois. Quand tu es un animateur qui a déjà quelques années de travail derrière toi, ce n’est pas énorme.

COMMENT ES-TU ENTRÉ À SATELIGHT, OÙ TU ES EMPLOYÉ ?

Grâce à ma rencontre avec Shoji Kawamori, en 2007. Théoriquement, je ne devrais travailler que sur des productions Satelight, mais c’est assez rare. La plupart des designers et animateurs au Japon sont freelance. Bien sûr, il y a des affinités entre certains studios et certaines personnes, mais généralement on retrouve les mêmes noms d’une production à l’autre.

Au Japon, il y a beaucoup de collaborations entre les studios. Il y a bien sûr un esprit de compétition, une certaine rivalité, mais ce n’est pas Disney VS Dreamworks : les patrons se connaissent, ils vont boire des coups ensemble, on sait ce qui est produit chez les autres en ce moment. Il y a à la fois une émulation et une compétition. Les réalisateurs et animateurs passent d’un studio à l’autre mais les plannings sont tellement serrés et les budgets grippés qu’on n’a pas le temps de monter des équipes complètes dédiées exclusivement à tel projet. Les gens travaillent simultanément sur plusieurs projets, souvent pour plusieurs studios. Et il faut bien travailler quelque part, donc c’est très fréquent, dans une société, de voir un animateur travailler sur une série pour un autre studio. Tout se mélange.

QUELS SONT LES OBSTACLES MAJEURS ?

D’abord il y a la langue. Tu ne peux pas aller loin sans parler japonais. En plus, c’est frustrant, tu rencontres des personnes que tu admires et tu ne peux pas échanger avec elles. Pas besoin d’être une lumière mais il faut tenir les conversations au quotidien ou durant les réunions, et c’est dur au début.

Ensuite, les conditions de travail. Au début tu ne gagnes vraiment pas beaucoup et comme tu es étranger, tu n’as personne pour t’aider. Comment tu fais quand tu commences en tant qu’intervalliste et que tu gagnes 300 euros par mois ? Il faut se loger, se nourrir, avoir payé l’avion… Si tu veux un meublé, tu montes dans les 80 000, 100 000 yens (560-700 euros) par mois. Le mieux, à la rigueur, c’est de venir à plusieurs Français pour une colocation.

Enfin, tu as le droit de travailler au Japon, mais il faut trouver une société qui accepte de faire les démarches, de prendre du temps pour te défendre… Obtenir un visa, c’est dur. Si tu as déjà une carrière, ça ira mais si tu es un jeune qui débute, ça va être très difficile. Une bonne méthode c’est le visa vacances-travail, tu peux l’obtenir auprès de l’ambassade du Japon, on le fait souvent pour les petits jeunes qui viennent ici. Ça te permet de rester un an et de travailler, mais ce n’est pas renouvelable ; après il faut obtenir le vrai visa travail.

ET AVEC DE TELS SALAIRES, J’IMAGINE QU’IL FAUT CUMULER AVEC DES PETITS BOULOTS ?

Le moindre petit boulot de caissier te rapportera plus qu’animateur débutant. Dans un baito, tu es payé 800 à 1 000 yens par heure. Quand dans l’animation, tu es payé 4 000 yens par plan… Va le tomber ton plan en quatre heures !

C’est très dur mais ce n’est pas impossible. Il faut savoir dans quoi on s’embarque. Il faut faire très attention, parce que dès que tu vas te loger, tes économies vont fondre comme neige au soleil. Et même si tu arrives à passer le cap, à trouver un équilibre, ça reste un milieu précaire. En France, ça reste mieux payé, et puis tu peux continuer de voir tes amis… Il y en a plein qui ont le Japon en tête depuis longtemps : c’est génial mais ce n’est pas pour tout le monde.

Interview réalisée par Matthieu Pinon, le 29 mars 2014, à Asagaya, Tokyo.
Publié dans Coyote Mag n°50

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